«Malheur, à ceux qui bâillonnent le peuple!», c’est sur cette sentence, terrible, que Thomas Sankara démissionne avec fracas, en 1982, de son poste de secrétaire d’Etat à l’Information
Les Burkinabè s'en souviendront. Tout comme ils se souviennent de la conduite héroïque du jeune officier lors de la courte et pathétique guerre qui opposa la Haute-Volta au Mali, en 1974.
Né en 1949, Thomas Isidore Noël Sankara est un capitaine de l’armée voltaïque très en vue au début des années 80.
Sa conscience politique bien forgée, teintée de marxisme, lui permet d’exercer un leadership idéologique sur la nouvelle génération d’officiers. Lors du coup d’Etat qui suit de près sa démission, il est désigné Premier ministre. Mais l’homme est incontrôlable. Déjà, il dérange les hauts-lieux françafricains qui réclament sa tête. La nouvelle de sa mise aux arrêts en mai 1983 plonge Ouagadougou dans un climat quasi insurrectionnel.
Libéré par ses camarades menés par son bras droit et éternel numéro deux, Blaise Compaoré, Sankara prend le pouvoir. La révolution démocratique et populaire est proclamée. Quatre années durant, l’autosuffisance alimentaire, l’éducation, la santé et la promotion de la femme sont érigées en priorités. Avec des résultats probants. Des initiatives audacieuses sont prises, quitte à verser parfois dans l’aventure politique. Volonté de renouveau: le pays est rebaptisé Burkina Faso, la «patrie des hommes intègres.»
Mais le révolutionnaire se fait beaucoup d’ennemis. En visite officielle à Ouagadougou, en novembre 1986, le président français François Mitterrand a affronté verbalement Thomas Sankara. Du guide libyen, Mouammar Kadhafi, ancien parrain, Sankara refuse la tutelle. Tout comme celle de l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, doyen régional.
Au plan national, la chefferie traditionnelle et la bourgeoise sont frustrées par la réduction de leurs privilèges. Compaoré, le frère jumeau, devenu adversaire, cache à peine ses volontés putschistes.
Dans l’après-midi du 15 octobre 87, ses hommes investissent l’état-major du Conseil national de la révolution, où le président du Faso est en réunion. Entendant les tirs, Sankara rassure ses camarades apeurés: «Restez-là, c'est moi qu'ils veulent!».
Les mains en l’air, le capitaine sort. Il est aussitôt criblé de balles. Son corps, enterré à la hâte, avec ceux de ses 12 compagnons d’infortune, est honoré par une foule de courageux. Le nouveau régime démantèle la révolution. Partout sur le continent, la jeunesse inspirée par le modèle s’indigne. Jusqu'au Cameroun, la rue pleure. Momentanément, une partie de l'Afrique vient de perdre espoir.
Alors Blaise succède à Thomas, ce qui dit que "Qui entre par une petite porte sortira une petite porte".Blaise est chassé par la rue (...).
Source : Slate Afrique