Le Maroc vit-il une révolution de velours ? Promis à une transition pacifiée depuis la modification de la Constitution en juillet dernier, le royaume a vécu dimanche un épisode sans précédent. Condamné à vivre dans l'ombre du palais royal, le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, pourtant qualifié d'"islamiste de Sa Majesté", a osé remettre en cause le Makhzen, autrement dit le cabinet occulte du roi. Au cours d'un rassemblement de son parti, le Parti de la justice et du développement (PJD), organisé dimanche à Rabat, le chef du gouvernement marocain a dénoncé l'existence au sein de l'État de "bastions de contrôle sous la domination de personnes dépourvues de titre politique", rapporte Reuters. Puis il a lancé : "Le Printemps arabe n'est pas encore terminé. Il est encore là et pourrait bien revenir." Du jamais-vu sous la monarchie.
Face à la polémique suscitée par ses propos, le Premier ministre est revenu sur ses déclarations, affirmant à Reuters que ses paroles avaient été "sorties de leur contexte". "Abdelilah Benkirane a déjà émis à plusieurs reprises de telles critiques à l'encontre du cabinet royal", note Zineb el-Rhazoui, journaliste et militante du Mouvement démocratique et civil du 20 février. "Mais c'est la première fois qu'il le fait en tant que Premier ministre." "Ces déclarations correspondent aux revendications émises dans la rue par les manifestants du Printemps marocain", renchérit Pierre Vermeren*, historien du Maghreb contemporain à l'université Paris-I. Provisoirement écartés après les émeutes de février 2011, les proches de Mohammed VI, qui bénéficient d'un titre officiel de conseiller, sont revenus aux affaires après l'adoption d'une nouvelle Constitution.
Source Le Point